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"A première vue, ces graphismes relèvent de la fulgurance pure.

On les perçoit comme les projections mentales de foudre

faisant éclater sur la toile l'éphémère signe de leur énergie.

Ici, le travail n'est que préparatoire,

mise en train, quête du rythme jusqu'au moment

où le geste devient mûr, où la chose advient, tourne à plein régime.

Comme dirait Picasso,

peindre c'est découvrir ce qu'on est en train de chercher.

A peine la machine créatrice  a-t-elle trouvé sa voie,

que le courant passe entre l'homme émetteur

et la toile réceptrice.

Une affaire de couple en somme .

Mais une affaire plus électrique qu'esthétique .

Plutôt geste primitif qu'acte conscient.

On est au coeur battant de l'instinct.

Au moment où l'apprentissage se perd,

où l'artiste s'oublie, où l'homme extrait de son fond obscur

un éclat flagrant de sa joie.

Fulgurance pure, car Alain Barsamian

a la chance d'être aujourd'hui toujours aussi ignoré

des circuits classiques de l'art qu'en ses débuts.

Son travail n'est pas perverti

par une cote à maintenir ou à conquérir.

Son geste n'est pas troublé par la répétition d'un tic esthétique

qui plait et qui se vend ou se prostitue.

Il n'est d'aucune école, ne se réclame d'aucun maître,

n'est le suiveur de personne.

Bien sûr ses toiles peuvent renvoyer à Hans Hartung,

à Mathieu, à l'abstraction lyrique.

Mais alors, appliquer ce genre de grille sur du Barsamian

c'est troubler la pureté d'une démarche quasi paléolithique,

d'avant les figurations académiques.

Car ce peintre est fou qui déploie pour nous

en figures fugaces et figées,

les irruptions pressantes surgies de nos profondeurs.

Né en 1947,

Alain Barsamian a toujours alterné exercices et silence,

dessinant, peignant, usant de la plume ou de l'appareil photographique

pour rester éveillé, ouvert, actif.

Avec un grand-père et un père

faisant carrière comme chirurgiens dentistes,

sa vie semblait toute tracée.

Mais ce même grand-père ayant la passion de la photographie,

vers l'âge de 10 ans, le jeune Alain s'essaie à la prise de vue

et baigne dans la chambre noire.

Avec lui, la photographie fait oeuvre de révélation,

à la lueur des ampoules inactiniques d'un laboratoire de fortune

installé dans un cagibi au fond du couloir

de leur appartement parisien.

A l'école, seul le dessin l'intéresse.

Puis vient la gouache et le papier

qu'il achète chez un marchand du quartier,

dont il devient le plus fidèle client.

La patronne lui laisse carte blanche

pour fouiner dans les moindres recoins du magasin.

Il est constamment à la recherche

d'un nouvel outil ou d'un ingrédient

digne d'être mis à l'épreuve.

En 1965-66, réussissant à contrer les exigences paternelles,

Barsamian se prépare au concours d'entrée

des arts décoratifs de Paris

à l'atelier Guillaume Met de Penninghen,

dans le quartier de Saint Germain des Près.

Son échec l'oblige à suivre la voie voulue par son père.

Malgré tout, il restera marqué par son année d'atelier.

Et pour conjurer le sort, il court chez son papetier

pour acquérir toiles et  tubes de peinture à l'huile.

De retour, utilisant le chevalet sur lequel il a vu son père s'essayer

à des peintures figuratives,

il vide ses tubes et remplit sa toile

au couteau et à l'automatisme.

D'autres suivront,

comme s'il habitait enfin la gestuelle et la spontanéité

qui n'allait plus le quitter.

Esprit du temps, il fait de l'abstraction lyrique

sans le savoir et sans même connaître ce mouvement.

Il dira à ce propos:

" Ces lignes que je traçais

d'une façon naturelle et purement instinctive

devenaient avec le temps de plus en plus stylisées,

et puisque ce graphisme me convenait,

je l'ai adopté comme une écriture".

En 1980,

sa rencontre avec le peintre Guy Bertholon

sera determinante.

Elle coïncide avec l'opportunité

d'une première exposition personnelle à Cergy Pontoise

prévue pour mai 1982.

Barsamian s'y prépare assidûment

et réussit son pari.

A cette occasion, Guy Bertholon écrira :

"Alain Barsamian est à l'aube d'une carrière de peintre authentique,

s'il ne gaspille pas son talent ".

Mais l'année suivante,

Barsamian s'expatrie en Bretagne avec sa famille.

Installé dans le Morbihan,

il intègre le cercle des peintres professionnels qu'il côtoie,

cherchant un juste équilibre

entre exigences esthétiques et nécessité du quotidien.

Après quelques expositions ici ou là de vingt années de travail,

vient le trou noir, avec le manque, des reprises incertaines

et le décès de son épouse.

Il refait surface dans le sud,

se remarie puis devient veuf pour la seconde fois.

Mais Barsamian se sauve dans la peinture.

Et s'il expose depuis septembre 2014

dans une galerie de Saint Paul de Vence,

c'est montrer que son geste toujours aussi fulgurant

est le gage d'une jeunesse intacte".

Denis DONIKIAN      ( Ecrivain )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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